La Dame du feu
1999
Hauteur : 48 po
Largeur : 16 po
Acrylique et
feuille d'or sur toile
La Dame du feu est située à gauche du polyptyque, au point
de départ du sens de lecture occidental. Son regard est tourné
vers la droite, vers l’intérieur de l’ensemble pictural composé
par ces cinq tableaux. Il ouvre l’espace de la composition à la
lecture du spectateur.

Vêtue de rouge, sa jupe est bordée de franges dont les
longueurs ondoyantes reprennent le mouvement des flammes
de l’arrière-plan. La texture du vêtement, travaillée en une
superposition de transparences, offre un effet fondu et velouté
faisant songer à des pannes de velours dont l’ancienneté
expliquerait les nuances. À ses pieds, un instrument de
musique, le chalumeau, choisi pour son homonymie avec
l’instrument porteur de feu qui sert à couper, fondre et souder le
métal. Ses sept trous indiquent son action sur toutes les
sphères de la création.

Ses cheveux sont roux, comme ceux des autres
personnifications. Cette couleur est souvent assimilée au feu,
au flamboiement. Ses cheveux, volant comme autant
d’antennes la branchant vers des réalités invisibles, s’ornent de
points rouges et blancs groupés par ensembles de trois. Le
chiffre trois correspond à la création dans la plupart des
traditions. La forme du triangle l’apparente à la flamme.

La couronne de bougies qui orne sa tête fait penser à celles
portées par les scandinaves au temps de Noël. Cette
cérémonie, associée depuis des temps immémoriaux au
solstice d’hiver, suggère la descente de l’Esprit, assimilé au feu,
dans la matière. Au moment de la plus longue nuit de l’année, il
rappelle la renaissance de la lumière avec l’allongement des
jours. Les bougies au nombre de sept évoquent la totalité, la
manifestation considérée comme un tout, comme l’ensemble
des sept jours de la semaine, des sept notes de la gamme, des
sept couleurs de l’arc-en-ciel. Elles éclairent un ciel rouge, ciel
de feu, matrice de l’Esprit, zone nébuleuse et sombre créée de
plusieurs couches translucides superposées. Ce ciel est bordé
d’une frise de points blancs groupés par trois, en triangles qui
illustrent encore la création et le feu.

Derrière la femme, un panneau rouge, bordé au bas par des
plissements de lave incandescente, se termine dans le haut par
une muraille de flammes. Des vignettes violettes sont
disposées sur ce fond. L’ensemble forme une tapisserie
enflammée. Ce rideau de feu rappelle la transition entre
l’homme ancien et le nouveau. Le passage de cette étape
montre la transformation à effectuer pour conduire l’homme
vers la perfection. C’est l’épreuve du feu de l’initiation, l’étape
par laquelle le métal est purifié et transformé.

Le rouge témoigne des aspects positifs et négatifs du feu. Le
violet est aussi une couleur du feu. Situé à l’autre extrémité du
spectre lumineux, vers l’ultraviolet, il symboliserait un passage
au sublime. Il serait la tempérance capable de vaincre les
passions et de passer l’épreuve en traversant le rideau de feu.
À gauche de la protagoniste, le Dieu aztèque du feu,
Xiuntecuhi, est placé au centre d’une arène. Il porte le costume
d’apparat du guerrier, l’épée et le bouclier. L’arène, entourée de
gradins remplis de spectateurs, est surmontée de la flamme
olympique. L’ensemble décrit les épreuves et l’héroïsme
nécessaire sur le chemin de l’initiation.

À sa droite se trouve un ensemble de trois scènes. En haut, un
ange verse de l’encens sur le feu. L’encens, en se consumant
devient sacrifice et se sublime en offrande divine. Au milieu, un
bourreau alimente la fournaise et assiste au martyre de deux
êtres dans le brasier qui les transformera en saints, en divinités.
Au bas, les apôtres reçoivent l’Esprit Saint sous forme de
langues de feu. La flamme, force positive et transformatrice,
force de lumière, leur permettra de s’exprimer dans toutes les
langues avec une puissance invincible. L’ensemble de ces trois
scènes est couronné d’une frise de coeurs indiquant que la
sublimation, le martyre et la transformation dont il est question
s’associent à l’amour.

L’amour est fréquemment assimilé au feu et associé à la
couleur rouge. Ici, les feux de l’amour sont l’outil de purification
de ce même amour. Au sommet des flammes couronnant la
tapisserie, on trouve le creuset dans lequel le métal est fondu
et purifié. En alchimie, le creuset permet le perfectionnement et
la sublimation des métaux, comme il purifie l’amour. Placé en
retrait, le chandelier à sept branches, issu de la tradition
hébraïque, couronne toute la composition de la draperie
allégorique. Il témoigne de l’achèvement du travail de l’être qui
a su transformer en lumière le feu brûlant des passions.

Le fond s’élève en haut du rideau de flammes et devient dans
le bas le sol sur lequel la primadona pose ses pieds. Il résulte
d’une couche lilas partiellement recouverte de pourpre. Le lilas,
dérivé du rouge et du violet, rappelle cette couleur vacillante au
bas des flammes; le pourpre, lui, suggère les braises. Le feu
omniprésent transperce et dévore tout. Malgré la douceur de la
couleur, cette accalmie temporaire ne doit pas nous laisser
dans l’illusion quant à la nature dévorante, englobante et
omnipotente du feu.

Annie Girard
poïéticienne.
Novembre 1999