La Dame de l’air
1999
Hauteur : 48 po
Largeur : 16 po
Acrylique et
feuille d'or sur toile

La Dame de l’air flotte dans les cieux, parmi les courants
aériens. Son vol exprime un désir de sublimation, la recherche
d’une harmonie intérieure, le dépassement des conflits. Les
arcs-en-ciel de ses chaussures symbolisent la médiation entre
le ciel et la terre et leurs chandeliers à sept branches signifient
l’accomplissement humain. Elle utilise une trompette,
instrument des anges marquant la manifestation céleste.
Ses cheveux s’envolent en de larges mèches complétées
d’antennes plus fines, en contact avec l’au-delà. Elle est vêtue
d’un tissu semblable aux velours anciens. Les reflets profonds
de son vêtement viennent de superpositions transparentes sur
un fond de pigments bronze. L’ouverture de sa robe dévoile
profondément sa peau d’or fin. Des traits aux branchements
multiples, comme autant de possibilités intuitives, ornent sa
jupe. Des bandes aux différents tons de bleus s’accrochent au
bas de la robe, la traversent de part en part en se prolongeant
sur le fond. Ces rubans voletants figurent l’écoulement aérien.

Le col de sa robe, déposé en rubans bien alignés, se prolonge
en une écharpe « de la couleur du temps », comme la robe
demandée par Peau d’âne dans le conte de Perrault. Ses
multiples rubans sont uniquement rattachés à la base et
mobiles au moindre courant d’air. Leurs couleurs, à l’égal du
temps, se révèlent nuancées et changeantes. L’écharpe, dont
les pans magnifiques s’envolent et se déploient sous l’effet du
souffle, change d’aspect en ondulant au gré du vent. Ses pans
s’orientent à la verticale, vers le firmament, tels des antennes
sur l’infini, ou des ailes magiques propices aux voyages des
anges.

Par ce boa aux fines plumes allongées, rappelant ceux portés
par les femmes du début XXe siècle, Nicole Tremblay lance un
clin d’œil admiratif au couple d’artistes français Claudine et
Roland Sabatier. Ils ont illustré entièrement La grande
encyclopédie des fées, dont le peintre s’est inspiré pour parer
leur proche cousine : la Dame de l’air.

De chaque côté du personnage, les éléments des frises
s’étagent de guingois sur le fond de nuages, comme soulevés
par le vent, en une symbolisation du mouvement aérien. La
frise du bas est composée d’éoliennes, machines qui captent
l’énergie du vent, produisent de l’électricité ou pompent l’eau
des nappes souterraines. L’éolienne transforme le mouvement
en une force ordonnée ; elle devient par cela l’attribut de la
transmutation des énergies. Sa roue à pales s’apparente à
celle des chakras tournoyant lorsque l’énergie est transmutée.
Le puits permettant d’amener l’eau des profondeurs de la terre
nous fait songer à l’effort conscient nécessaire pour tirer la
connaissance des profondeurs de l’humain.

Autour de sa taille, on remarque une écharpe ornée d’oiseaux
parés de teintes bleues associées à l’air. Les oiseaux ont les
ailes ouvertes comme s’ils étaient prêts à l’envol, au passage à
l’élément aérien, mais leurs pieds sont sur terre, liés au sol.
Prolongeant cette écharpe, des oiseaux aux ailes fermées, bien
posés au sol, regardent dans différentes directions, comme aux
aguets. Attendent-ils un mouvement, une apparition, une
épiphanie si caractéristique de l’élément air?

Les prochaines frises s’entrecroisent avec celles des oiseaux et
présentent des moulins à vent. Leurs grandes ailes déployées
font songer elles aussi à des oiseaux prêts à l’envol. Elles
indiquent aussi les quatre directions de l’espace. En leur centre
se croisent les forces verticales et horizontales du ciel et de la
terre. Érigé en pierre, le corps du moulin offre une structure
solide et stable pouvant résister au temps et à presque tous les
vents. Seules ses immenses ailes restent fragiles. Les moulins
servaient autrefois à moudre le grain en farine pour la
nourriture du corps, ou comme en Hollande, à pomper l’eau au
delà des digues.

Par le biais du moulin et de l’éolienne, la force subtile de l’air
est mise à contribution en vue d’un travail, d’une création
matérielle. La force invisible, insaisissable mais agissante du
vent met en mouvement la matière, la modèle et oriente sa
structure. Le vent, symbole de spiritualisation et de purification,
signifie aussi le souffle cosmique, le Verbe manifesté ailleurs
comme Esprit sous forme de langues de feu. Signe sensible de
la vie invisible, le vent, voie de communication entre le ciel et la
terre, apporte l’allégement, la liberté; il est le fruit de la
purification par le feu.

La déesse de l’air a les yeux clairs, transparents comme
l’élément aérien. Son regard légèrement tourné vers la droite
nous emmène à la prochaine étape du parcours, le panneau
central de la composition : la Dame de l’éther.

Annie Girard
poïéticienne.
Novembre 1999