La Dame de l’eau
1999
Hauteur : 48 po
Largeur : 16 po
Acrylique et
feuille d'or sur toile

Vêtue de bleu et de vert, la Dame de l’eau évoque les couleurs
d’une mer traversée de courants. Les manches de la robe
comportent un plissé mouvant rappelant les mouvements
aquatiques. Aux pieds du personnage flotte une conque,
instrument de musique attribué par l’artiste à la Déesse. La
conque produit un son perceptible de très loin et générateur de
choc ou de terreur. Elle a été utilisée tant à la guerre pour
effrayer les ennemis, que par les moines tibétains, pour
l’anéantissement des barrières du mental.

Ce coquillage marin a la forme d’une spirale, symbole de
gestation, d’évolution et d’incarnation. La conque spiralée
enveloppe la chair en gestation. Elle est un signe de fécondité
propre à l’eau. Son dessin et sa profondeur rappellent l’organe
sexuel féminin. La Dame des eaux se trouve en rapport avec
les eaux primordiales de la création des mondes, tout comme
avec les eaux de la gestation. Son ventre s’épanouit en un
ballon transparent, tel un aquarium où prolifèrent algues,
poissons et nénuphars.

Lié à la fois à la terre et à l’eau, le nénuphar fut considéré signe
d’abondance et de fertilité. Ce serait, avec son apparence de
pureté originelle, la première fleur éclose à l’apparition de la vie
sur les eaux primordiales. Il indique aussi, en alchimie, l’éveil
de la conscience par la transmutation des énergies illustrées
par les eaux séminales. Quatorze boutons de fleurs poussent
dans le ventre de la femme. Ce chiffre est associé, dans le
tarot, à l’image de la Tempérance qui transvase l’eau d’une
carafe à l’autre sans la répandre. La Tempérance évoque la
transmutation de l’énergie sexuelle.

Quatre poissons aux couleurs tendres nagent aussi dans le
ventre. Ils représentent la vie et la fécondité, tant au niveau
physique que spirituel, en plus d’évoquer les mérites, degrés ou
vertus gagnés par l’individu dans son cheminement. Le quatre
remémore l’image de la croix, des quatre points cardinaux, du
croisement de la verticale et de l’horizontale. Il y a quatre étapes
principales au travail de transformation alchimique. Les trois
algues du ballon rappellent les forces positive, neutre et
négative, à la base de la création que les physiciens associent
au proton, au neutron et à l’électron.

À ses pieds, deux algues semblables au varech dressent leurs
branches aux fruits d’or. L’une est fauve, couleur de feu, et
l’autre bleue; l’une de couleur chaude et l’autre froide :
visualisation des forces opposées et complémentaires. Elles
font songer aux deux oliviers qui, selon la Bible, fournissent en
huile le chandelier à sept branches. Elles semblent ici avoir
nourri la Femme-Mère gestante de la création nouvelle. Sa
robe est bordée de franges terminées par des gouttelettes.
Elles se retrouvent au bout des branches du varech, comme si
plantes et femme ne faisaient qu’un. Comme si la femme
portait en elle la flamme du chandelier, comme si l’énergie de
ces deux plantes nourrissait et éclairait secrètement sa
gestation. Cela expliquerait la luminosité de ce ventre
étonnamment transparent ; les grossesses sont généralement
obscures. La transparence clairement liée à la clairvoyance
comme faculté de voir à travers l’opacité du monde devenu
transparent ; la clairvoyance nettement associée à l’élément
eau.

Derrière le personnage, des bandes d’eau asymétriques et de
ton changeant s’entrecroisent en frises de vagues stylisées.
Leur forme spiralée suggère l’évolution d’une force, d’un état,
et les associe aux cycles changeants de la lune. Elles évoquent
les rythmes de la vie, le caractère cyclique de l’évolution, la
permanence de l’être sous la fugacité du mouvement.

Des frises de paquebots, de canots et de voiliers évoquent les
différents modes de transport aquatique et soulignent l’idée de
prendre le large, de partir en voyage pour une aventure vers
des contrées inconnues offrant la possibilité d’une vie nouvelle.
Le départ en mer symbolise également le mariage. Les ronds
au-dessus des voiliers figurent des quartiers de lune comme
autant d’indicateurs de la longueur du voyage : les traversées
duraient autrefois « plusieurs lunes ». Les points blancs
indiquent les reflets de la lune sur l’eau.

La divine porte des rangs de perles dans ses cheveux. La
perle, joyau aquatique, serait aussi d’origine lunaire. Des
filaments à gouttelettes partent de la lune pour se mêler aux
cheveux, communicant son influence. La représentation de
l’astre dans ses phases de croissant et de pleine lune illustre
son cycle lié à l’eau : on sait qu’il influence les marées. La
croyance populaire veut que la lune influence aussi les
accouchements. Les strates de nuages environnants évoquent
la recréation abstraite d’un monde au delà de la terre. Ces
motifs rappellent les mouvements marins. Les formes des
nuages ont inspiré depuis toujours une lecture préfigurant
l’au-delà.

Annie Girard
poïéticienne.
Novembre 1999